Serge Merlin
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Serge Merlin est un comédien singulier de la scène théâtrale française.
Sa voix de caverne et son physique souvent comparé à celui d’Antonin Artaud caractérisent l’acteur mais les décisions et tumultes qui jalonnent son parcours en font un personnage atypique, un homme qui refuse de manière radicale la société.
Proche de Camus et de Maria Casarès, Serge Merlin a joué Le Roi Lear , les textes de Matthias Langhoff, Thomas Bernhard, Jean Genet… sous les directions d’André Engel, Patrice Chéreau, Alain Françon…
Il est né en 1933 et a grandit aux confins de l'Algérie, à Colomb Béchar.
Tombé très tôt dans le théâtre à 15 ans et demi, il ne suit aucune école, et commence dans la rue.
Après avoir connu le fond du trou, pendant une dizaine d'années, il remonte sur scène au Festival d'Avignon en 1978 avec "Le Dépeupleur" de Beckett.
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Le dépeupleur: Ni pièce, ni roman, ce texte publié en 1971 décrit de façon laconique toute une société qui s’organise à l’intérieur d’un mystérieux cylindre. "C’est un texte qui suit Serge Merlin depuis longtemps. Il l’a lu un nombre incroyable de fois dans des versions très différentes.
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Aliéné au théâtre, détestant la scène, il joue pourtant des dizaines de pièces mais reste connu du grand public pour un rôle au cinéma, celui du peintre dans "Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain".
Il est également metteur en scène.
Même si vous n'avez pas vu "Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain", vous avez forcément vu Serge Merlin quelque part, tant sa carrière est remplie. Jugez par vous-même:
Filmographie
Cinéma
1961 : Samson d'Andrzej Wajda : Jakub Gold
1977 : La Chanson de Roland de Frank Cassenti : Pair Marsile / Ganelon / Thierry
1980 : Tusk d'Alejandro Jodorowsky : Greyson
1981 : Cinématon no 158 de Gérard Courant : Lui-même
1982 : Danton d'Andrzej Wajda : Philippeaux
1991 : Le Brasier d'Éric Barbier : Betaix
1992 : Nous deux d'Henri Graziani : Napoléon
1994 : Coma de Denys Granier-Deferre
1995 : Le Journal du séducteur de Danièle Dubroux : Robert, le voisin
1995 : La Cité des enfants perdus de Jean-Pierre Jeunet : le chef des cyclopes
2000 : Simon le mage d'Ildikó Enyedi
2001 : De l'histoire ancienne d'Orso Miret : M. Bernstein
2001 : Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet : Raymond Dufayel
2003 : Le Intermittenze del cuore de Fabio Carpi : Agostini
2004 : Le Prix du désir de Roberto Andò : le père de Daniel
2012 : L'homme qui rit de Jean-Pierre Améris : Barkilphedro
2014 : Moi et Kaminski de Wolfgang Becker : Portier
2015 : Pitchipoï de Charles Najman : le fantôme du père
Serge Merlin dans Le Roi Lear
Télévision
1967 : Les Enquêtes du commissaire Maigret de René Lucot, épisode : La Tête d'un homme : Radek
1967 : Le Golem (du roman de Gustav Meyrink) de Jean Kerchbron : Loisa
1978 : Quand flambait le bocage téléfilm de Claude-Jean Bonnardot : L'abbé Renau
1981 : Le Roi Lear, de Jean-Marie Coldefy : le duc de Bourgogne
1998 : Le Comte de Monte-Cristo, saison 1 : Noirtier de Villefort
2003 : Une preuve d'amour de Bernard Stora : Granchot
2006 : Louis la Brocante, saison 9, épisode 4 : Antonin
2009: Nicolas Le Floch, saison 2, épisode 2.
2011 : La Mauvaise Rencontre de Josée Dayan
Théâtre
1952 : Christophe Colomb de Paul Claudel, mise en scène Jean-Louis Barrault, Théâtre Marigny
1952 : La Puissance et la gloire de Graham Greene, mise en scène André Clavé, Théâtre de l'Œuvre
1954 : La Célestine de Fernando de Rojas, Studio des Champs-Elysées
1954 : Hamlet de William Shakespeare, Studio des Champs-Elysées
1954 : L'École des femmes de Molière, Studio des Champs-Elysées
1958 : Éboulement au quai nord d’Ugo Betti, mise en scène Marcelle Tassencourt, Théâtre de Poche Montparnasse
1960 : Le Pélican d’August Strindberg, Théâtre de Poche Montparnasse
1961 : Le Christ recrucifié de Níkos Kazantzákis, mise en scène Marcelle Tassencourt, Théâtre Montansier
1962 : Le Christ recrucifié, Odéon-Théâtre de France
1963 : Les Possédés d'Albert Camus d'après Dostoïevski, mise en scène Albert Camus, Fenice
1966 : Faust de Christopher Marlowe, mise en scène Jean-Louis Andrieux, Théâtre Edouard VII
1970 : Calques, compositeur Michel Puig, mise en scène Pierre Barrat, Festival d'Avignon
1974 : Le Marathon de Claude Confortès, mise en scène de l'auteur, Théâtre de la Commune
1975 : Le Dépeupleur de Samuel Beckett, Festival Off d'Avignon
1983 : Les Paravents de Jean Genet, mise en scène Patrice Chéreau, Théâtre Nanterre-Amandiers
1984 : Frédéric prince de Hombourg de Heinrich von Kleist, mise en scène Manfred Karge, Matthias Langhoff, TNP Villeurbanne, Festival d'Avignon
1986 : Le Roi Lear de William Shakespeare, mise en scène Matthias Langhoff, Théâtre national de Strasbourg, 1987 : MC93 Bobigny
1987 : La Dernière Bande de Samuel Beckett, mise en scène Matthias Langhoff, MC93 Bobigny
1987 : Si de là-bas si loin textes de Samuel Beckett, Federico García Lorca et Friedrich Hölderlin et Eugene O'Neill, mise en scène Matthias Langhoff, MC93 Bobigny
1988 : Sit Venia Verbo de Michel Deutsch et Philippe Lacoue-Labarthe, mise en scène Michel Deutsch, Maison de la Culture de Grenoble, Théâtre national de la Colline
1989 : La Forêt d’Alexandre Ostrovski, mise en scène Bernard Sobel, Théâtre de Gennevilliers
1989 : La Mission d'Heiner Müller et Le Perroquet vert d'Arthur Schnitzler, mise en scène Matthias Langhoff, Festival d'Avignon, Théâtre de la Ville
1990 : Le Réformateur du monde de Thomas Bernhard, mise en scène André Engel, MC93 Bobigny
1995 : Le Baladin du monde occidental de John Millington Synge, mise en scène André Engel, Odéon-Théâtre de l'Europe
1996 : Simplement compliqué de Thomas Bernhard, mise en scène Jacques Rosner, Théâtre Sorano Toulouse, Festival d'Avignon, Théâtre des Treize Vents
1997 : La Force de l'habitude de Thomas Bernhard, mise en scène André Engel, Théâtre Vidy-Lausanne, MC93 Bobigny
1997 : Lulu de Frank Wedekind, mise en scène Hans-Peter Cloos, Comédie de Saint-Étienne, Théâtre de Chaillot
1998 : Woyzeck de Georg Büchner, mise en scène André Engel, Théâtre de Gennevilliers
1999 : En attendant Godot de Samuel Beckett, mise en scène Luc Bondy, Théâtre Vidy-Lausanne, Odéon-Théâtre de l'Europe
2000 : Le Réformateur de Thomas Bernhard, mise en scène André Engel, Théâtre des Abbesses
2003 : Lorenzaccio d'Alfred de Musset, mise en scène Anne-Cécile Moser,
2003 : Le Dépeupleur de Samuel Beckett, Odéon-Théâtre de l'Europe Ateliers Berthier
2003 : Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, mise en scène Frank Hoffmann, Théâtre national du Luxembourg
2007 : Le Neveu de Wittgenstein de Thomas Bernhard, mise en scène Bernard Lévy, Théâtre national de Chaillot
2008 : La Divine Comédie de Dante, Lecture dirigée par Valérie Dréville, Festival d'Avignon
2009 : Minetti de Thomas Bernhard, mise en scène Gerold Schumann, Théâtre de l'Athénée-Louis-Jouvet
2010 : Extinction de Thomas Bernhard, lecture, réalisation Blandine Masson et Alain Françon, Théâtre de la Madeleine
2011 : Fin de partie de Samuel Beckett, mise en scène Alain Françon, Théâtre de la Madeleine
2012 : Extinction de Thomas Bernhard, lecture, réalisation Blandine Masson et Alain Françon, Théâtre de la Ville, tournée
2013 : Fin de Partie de Samuel Beckett, mise en scène Alain Françon, Théâtre de l'Odéon, tournée
2013 : Le Roi Lear de Shakespeare, mise en scène Christian Schiaretti, TNP, Théâtre de la Ville
2015 : Le Réformateur de Thomas Bernhard, mise en scène André Engel, Théâtre de l'Œuvre
2016: Le Dépeupleur, de Samuel Beckett, mise en scène Alain Françon, Théâtre des Déchargeurs
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J.P. Thibaudat ne tarit pas d'éloge sur le comédien à propos de sa prestation dans « Roi Lear »:
Monstrueux. Insensé. Furieux. Fragile. Fou. Phénoménal. Désarmant. Extrême en tout y compris dans la colère, la rouerie et la tendresse. Mais aussi enfantin, joueur et soudain crépusculaire. Mais encore prince et clochard à la fois.
On en épuiserait le dictionnaire, tant les mots sont faibles pour dire la hauteur himalayenne et la somme de vertiges auxquelles l’acteur Serge Merlin porte le rôle-titre du « Roi Lear » de Shakespeare dans la traduction d’Yves Bonnefoy et la mise en scène de Christian Schiaretti. Un rôle que tout acteur, au soir de sa vie passée sur les planches, souhaite aborder.
Serge Merlin retrouve le roi Lear, presque trente ans après
Or ce rôle, aussi magnifique qu’écrasant, Serge Merlin l’avait déjà joué en 1986 dans la mise en scène de Mathias Langhoff créée au Théâtre national de Strasbourg. Cette fois-là, c’est tout le spectacle – et non seulement l’acteur interprétant le rôle-titre – qui atteignait des sommets.
Ce « Lear » de Langhoff m’avait laissé sur le flanc. Anéanti par sa puissance et sa prise de risque, sa fièvre. Je m’en souviens comme d’un bloc de corps habitant une scénographie mouvante, un plancher qui faisait des vagues et que l’on aurait dit conçu par Léonard de Vinci. C’est tout un monde qui tanguait, chavirait.
Presque trente ans ont passé et Merlin est toujours ce vieux roi. Comme si ce rôle, à travers tous ceux qu’il a approché durant ces trois décennies (à commencer par une flopée de Thomas Bernhard et quelques Samuel Beckett inoubliables), restait tapi en lui, le vieux roi veillant au grain, attendant l’heure de son retour. Comme si les ans n’avaient pas de prise sur cet acteur hors du commun des mortels.
Son visage émacié semble coulé dans une cire d’éternité, tout comme sa voix qui tutoie les cavernes, l’outre-tombe et sait parler aux oiseaux, aux nuages, aux chiens et aux errants. Simplement une barbe bachelardienne de vieil ermite, de mystique hors d’âge, de SDF impérial, lui a poussé.
A trente ans de distance, c’est la traduction versifiée d’Yves Bonnefoy qui s’est imposée une nouvelle fois. Une langue de poète. Merlin ne connaît pas d’autre langue sur un plateau de théâtre que celle des poètes.
La traduction de Bonnefoy, il la respire comme l’air vif d’un chemin enneigé de haute montagne, il la boit comme l’eau revigorante d’un torrent, il la butine, la malaxe, en épouse les méandres inventifs, les coups de tête, les soyeuses inversions. C’est une matière opaque, chaude et froide, dont la signification des mots est dernière et non première. Car, nous dit Bonnefoy :
« Les assonances, les rythmes opposent à la logique de l’analyse leur exigence, qui semble être de maintenir ouverte dans la parole une attente mystérieuse. »
C’est cela que module et nous donne à entendre Serge Merlin.
« Vieux tendres yeux »
à 83 ans Serge Merlin s'est confié au micro de Laure Adler:
Serge Merlin évoque son enfance:
"Je suis mal-aimé"
« Un cristal de larmes. Je ne sais pas. Je suis mal-aimé. Je n’étais pas attendu, je n’étais pas souhaité. La volonté était plutôt de me détruire avant que je ne sois là ».
Il passera une partie de son enfance à Colomb Béchar, en Algérie française. Ville dont il garde un souvenir également pénible : il se souvient d’« une solitude atroce » dans ce désert situé à 80 km à l’est de la frontière marocaine.
"C’est très laid le désert."
« C’est très laid le désert, c’est des cailloux, des choses comme ça. De temps en temps il y a une dune (…) et puis ces palmiers, invraisemblables, tout à coup, (…) au milieu (…) de ce rêve. Mais un rêve atroce. Très douloureux avec une chaleur épouvantable. Tout est hostile, tout est terrible, tout est affreux. Sauf les nuits et les étoiles. »
"J’étais élevé comme un prince de Bavière."
A Colomb Béchar, Serge Merlin a néanmoins joui d’une éducation inhabituelle
« J’avais des pères blancs qui me lisaient dans le texte. J’étais élevé comme un prince de Bavière. On me faisait la lecture, on me traduisait les choses, l’arabe, le latin et je ne m’apercevais pas de mon élection. J’étais vraiment choisi et entouré.»
"On ne s’attendait à rien de moi."
Ses premiers pas vers le théâtre, il les fait à l’école :
« un jour, ils ont dit qu’il fallait apprendre un texte. Alors, moi, je n’apprenais rien, jamais, je ne répondais à rien. Là j’ai appris Athalie, le songe d’Athalie. On ne s’attendait pas à ce que je récite le songe d’Athalie. On ne s’attendait à rien de moi. On ne me demandait rien. J’étais comme ça, en trop dans la classe. Je me suis levé et je suis rentré en flamme avec ça. Avec un texte. Avec cette matière; et je suis tombé raide mort à la fin. »
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Au fait, pourquoi je vous parle de ce type, moi ?
J'allai juste oublier un détail: en réalité le véritable nom de Serge Merlin, c'est Serge Merle.
Ouf! Un instant, j'ai eu peur de passer de la catégorie des noms Propres à celle des noms communs dans le petit Robert.
Mes respects, Monsieur Serge MERLE dit MERLIN Comédien !