Presentation

 

 

1 septembre 2006 5 01 /09 /septembre /2006 06:34
1861 le jour de sa confirmation 16 ans, 1868 à 24ans et 1869 Nietzsche Etudiant

1861 le jour de sa confirmation 16 ans, 1868 à 24ans et 1869 Nietzsche Etudiant

Chronologie par François Ewald


 

1844. 15 octobre : naissance de Nietzsche à la cure de Rôcken, village près de Lützen en Saxe. Son père était pasteur. Son grand-père et son arrière-grand-père maternels avaient été pasteurs. Son père prénomma son fils Friedrich Wilhelm, car il était né le jour anniversaire de son souverain vénéré : Frédéric Guillaume IV.

 

1849. Le père de Nietzsche meurt à trente-six ans, quand il a lui-même cinq ans. Voici comment, dans Ecce Homo, Nietzsche évoque son père:

 

« Je tiens pour un grand privilège d'avoir eu un tel père : les paysans devant qui il prêchait - car, après avoir vécu quelques années à la cour d'Altenburg, il avait été pasteur pendant les dernières années de sa vie - disaient de lui : "C'est à cela que doit ressembler un ange !" Cela m'amène à aborder la question de la race. Je suis un noble polonais pur sang ; dans mes veines pas une goutte de sang mauvais, et surtout pas de sang allemand. Quand je cherche mon plus exact opposé, l'incommensurable bassesse des instincts, je trouve toujours ma mère et ma sueur, - me croire une « parenté » avec cette canaille serait blasphémer ma nature divine. »

 

 

 

1849-1858. Nietzsche vit à Naumburg, ville à la limite de la Thuringe et de la Saxe, avec sa mère et sa sueur. A six ans, il entre à l'école communale. L'année suivante, il fréquente un institut privé, préparatoire au lycée. Il y reste de 1851 à 1854. En 1858, Nietzsche devient boursier à l'école de Pforta en Thuringe - à quelques kilomètres de Naumburg. Ecole célèbre pour sa tradition humaniste et luthérienne et par certains de ses anciens élèves : Klopstock, Fichte, Schlegel, Novalis. Sur cette période, Gilles Deleuze écrit dans son Nietzsche : « Il est l'enfant prodige ; on garde ses dissertations, ses essais de composition musicale.»
C'est le moment de souligner l'importance de la musique chez Nietzsche :

 
« Sans la musique, la vie serait une erreur »

 

écrira-t-il à la fin de sa vie. Pendant toute sa période d'études et dans les premières années bâloises, Nietzsche compose toute une série d'oeuvres de plus ou moins grande envergure (pour piano ou pour orchestre, des lieders). Il est possible que Nietzsche ait pensé, un moment devenir musicien. L'oeuvre de Nietzsche est certainement incompréhensible si l'on oublie cette dimension. Dans Ecce Homo, Nietzsche commente Ainsi parlait Zarathoustra :

 
« Peut-être Zarathoustra appartient-il tout entier à la musique : il est en tout cas certain qu'il présupposait une véritable renaissance de l'art d'écouter. »

 

 

 

 

 

 

1864-1865. Nietzsche s'inscrit à l'Université de Bonn en théologie et en philologie. Selon la tradition, il se bat en duel, est blessé sur l'arête du nez et s'inscrit dans la corporation Franconia qu'il quitte au bout d'un an.

 

1865-1869. II suit à l'Université de Leipzig son professeur de philologie, Friedrich Ritschl. Il fonde, avec son professeur, une Association philologique. C'est à Leipzig qu'il découvre le Monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer et L'Histoire du matérialisme de Friedrich Albert Lange. En 1867, Nietzsche fait son service militaire dans l'artillerie de campagne. Il doit l'interrompre sur blessure. En

 

1868, il reçoit le prix du concours de l'université pour un travail sur « Les sources de Diogène Laërce ». Le 8 novembre 1868, Nietzsche rencontre pour la première fois Wagner, qui séjournait alors à Leipzig. Ils s'entretiennent de musique et de Schopenhauer.


1869. Nietzsche est nommé professeur adjoint de philologie classique à Bâle. Comme il est de tradition dans cette ville, Nietzsche cumule ces fonctions avec l'enseignement du grec dans la troisième classe (la plus élevée) du paedagogium où enseignait Jacob Burckhardt. Nietzsche enseignera la philologie et le grec à Bâle jusqu'en 1879.
Les années bâloises sont essentiellement marquées par l'amitié avec Richard et Cosima Wagner qui résident alors à Tribschen, sur le lac des Quatre-Cantons. Wagner y terminait la composition de la Tétralogie. Commence alors une relation aussi intense qu'intime entre Nietzsche (qui a vingt-cinq ans), Wagner (qui en a cinquante-six), et Cosima (qui en a une trentaine). Nietzsche est dans la confidence de Wagner. Il travaille pour lui.
C'est dans ces circonstances que sera rédigé en 1872 La Naissance de la tragédie selon l'esprit de la musique dont Nietzsche dira dans Ecce Homo : « Les deux principales nouveautés de ce livre sont d'une part la compréhension du phénomène dionysien chez les Grecs : - il en donne la première psychologie, il y voit la racine unique de tout l'art grec. L'autre est la compréhension du socratisme : Socrate reconnu pour la première fois comme l'instrument de la décomposition de l'hellénisme, comme décadent type. La « rationalité contre l'instinct ». Il s'agit à la fois d'une conciliation du travail philologique et philosophique de Nietzsche, du « premier » livre de Nietzsche et d'une mise en scène de Wagner.
La relation, absolument décisive, de Nietzsche avec Wagner se détériorera à partir des années 1873-1874 (Nietzsche écrit en 1874 des Réflexions sur Richard Wagner, très critiques, mais non publiées de son vivant) jusqu'à la séparation définitive, qui connaît plusieurs étapes en 1876 en particulier, lors de l'inauguration de Bayreuth, Nietzsche ne supporte pas de constater qu'en réalité Wagner draine et rassemble tout ce qu'il peut haïr de l'Allemagne. Il lui faudra désormais s'affranchir de cette dépendance - ce sont les fameuses métamorphoses du début de Zarathoustra -, et se construire lui même. Mais la discussion avec Wagner ne cessera pas pour autant (un des derniers écrits de Nietzsche est Le Cas Wagner (1888). Et dans Ecce Homo, il écrira :

 
« Je fais peu de cas du reste de mes relations humaines, mais pour rien au monde je n'effacerais de ma vie les jours de Tribschen, des jours de confiance, de gaieté, de hasards sublimes - de moments profonds...
Je ne sais pas quelles expériences les autres ont faites avec Wagner : pour nous, notre ciel n'a jamais été traversé d'un seul nuage. »

 

1870. Nietzsche prend part comme infirmier volontaire à la guerre entre la France et l'Allemagne.

 

 

 

1873-1876. Nietzsche publie quatre Considérations inactuelles, dont il projetait une série beaucoup plus longue et, semble-t-il collective. Ecce Homo :

 
« Les quatre "considérations inactuelles" sont franchement belliqueuses. La première attaque (David Strauss, l'apôtre et l'écrivain, 1873) s'adressait à la culture allemande, qu'alors déjà je considérais de haut, avec un impitoyable mépris... La deuxième "inactuelle" (De l'utilité et des inconvénients de l'histoire pour la vie, 1874) met en lumière ce en quoi notre style d'activité scientifique est dangereux, grignote et contamine la vie : la vie est malade de ce mécanisme déshumanisé d'horlogerie, de "l'impersonnalité" du travailleur, de la fausse économie de la "division du travail"... Dans la troisième et la quatrième "Inactuelles" (Schopenhauer éducateur, 1874, Richard Wagner à Bayreuth, 1876), on oppose à cela comme signes avant-coureurs d'une idée plus haute de la culture et d'une restauration de l'idée même de culture, deux figures illustrant le plus strict "culte du moi", la culture du moi la plus rigoureusement disciplinée, bref, deux inactuels par excellence, pleins d'un souverain mépris pour tout ce qui les entourait, que cela s'appelât Reich, "culture", "christianisme", "Bismarck", "succès" - on aura reconnu Schopenhauer et Wagner, ou, en un mot, Nietzsche... »

 

1878. Humain, trop humain. Un livre pour les esprits libres. Dans Ecce Homo, Nietzsche a longuement décrit les circonstances d'élaborationde ce livre, véritable instrument de libération, de prise de possession de lui-même « Humain, main, trop humain est le monument commémoratif d'une crise.
Il se proclame un livre pour les esprits libres : presque chaque phrase y exprime une victoire - par ce livre je me suis débarrassé de qui était incompatible avec ma nature. »

Victoire contre l'idéalisme, victoire contre Wagner et l'art allemand. Mais Nietzsche précise aussitôt qu'il s'agit moins d'un mouvement contre que pour lui-même :

 
« Ce qui alors s'accomplit en moi, ce n'était pas comme on pourrait le croire une rupture avec Wagner - mais je me rendais compte que j'avais radicalement dévié de mon instinct profond et que chaque méprise particulière, qu'il s'agît de Wagner ou de ma chaire d'enseignement à Bâle, n'était qu'un symptôme d'une aberration plus générale. Je fus saisi d'une véritable irritation contre moi-même, je perdis patience : je vis qu'il était grand temps pour moi de revenir à moi. »

 

 Et Nietzsche précise ce qui annonce et éclaire la suite

 
« C'est alors que, d'une manière dont je ne saurais trop m'émerveiller, me vint en aide cette mauvaise hérédité que je tenais de mon père, et qui était au fond une prédestination à mourir jeune. La maladie me détacha lentement de tout ; elle m'épargna toute rupture, toute démarche brutale et choquante. »

 

Opinions et sentences mêlées et Le Voyageur et son ombre.

 

 

 

 

1879. Nietzsche, qui souffre de terribles maux de tête, de douleurs aux yeux, de nausées et de vomissements, quitte, avec une petite pension, l'université de Bâle. Commence alors une nouvelle existence - la troisième si l'on peut dire, après les années de formation et les années d'enseignement -, l'existence ambulante, errante, nomade du solitaire. Cherchant les climats qui seraient les plus favorables à sa santé, il partagera désormais son temps entre la Riviera italienne ou française en hiver, Venise au printemps et l'Engadine l'été.
C'est le moment de souligner un autre des thèmes les plus fondamentaux de l'existence de Nietzsche : la maladie. Il ne s'agit pas encore de l'effondrement de 1889, mais de constater que Nietzsche a vécu pratiquement toute sa vie, depuis son enfance, malade ou dans la crainte de la maladie. Dans Ecce Homo, Nietzsche consacre à cette question le chapitre intitulé : « Pourquoi je suis si avisé ». Il développe ses théories du régime alimentaire, de l'importance du climat et de délassements. Deleuze écrira : « Dans la maladie, Nietzsche voit un point de vue, sur la santé; et dans la santé, un point de vue sur la maladie... La maladie comme évaluation de la santé, les moments de santé comme évaluation de la maladie : tel est le "renversement", le "déplacement des perspectives", où Nietzsche voit l'essentiel de sa méthode, et de sa vocation pour une transmutation des valeurs. »

 

Jusqu'en 1889. L'activité intellectuelle de Nietzsche est considérable. Nietzsche ne cesse d'écrire et de publier. Chaque année ou presque est marquée par un nouveau livre qui, à chaque fois, est comme une nouvelle torsion de Nietzsche sur lui-même. Deux événements majeurs marquent le début des années 1880: août 1881, la révélation de l'Eternel Retour lors d'une promenade sur les bords du lac de Silva-Plana; 1882, la rencontre avec Lou Andréas-Salomé dont Nietzsche s'éprend et qu'il demandera, vainement, en mariage.

 

1881. Aurore. Pensées sur la morale conçue comme préjugé. Nietzsche écrit dans Ecce Homo :

 
« C'est par ce livre que s'ouvre ma campagne contre la morale... »

 

 

 Il est tant d'aurores qui n'ont pas encore lui...

 
« Cette inscription indienne figure au fronton de ce livre. Où son auteur va-t-il chercher ce matin nouveau, cette tendre rougeur encore jamais vue par laquelle s'annonce un jour naissant - et toute une suite, tout un monde de jours nouveaux ?... Dans une inversion de toutes les valeurs, dans un affranchissement complet de toutes les valeurs morales, dans l'acquiescement, la confiance à tout ce qui jusqu'alors avait été interdit, méprisé, maudit. Ce livre d'acquiescement ne rayonne sa lumière, son amour, sa tendresse, que sur les choses mauvaises; il leur rend l"âme", la bonne conscience, le droit éminent et privilégié à l'existence. La morale n'est pas attaquée ; tout simplement, elle n'entre plus en ligne de compte... »

 

 

 

1882. Le Gai savoir (« La Gaya scienza »). « Les Chants du Prince Hors-la-Loi, composés en grande partie en Sicile, rappellent explicitement la notion provençale de "gaya scienza", cette unité du troubadour, du chevalier et de l'esprit fort qui distingue si nettement de toutes les cultures équivoques cette admirable culture provençale de haute époque » (Ecce Homo).

 

1883. Paraissent les deux premières parties du grand livre de Nietzsche, celui qui procède de la vision de l'Eternel Retour : Ainsi parlait Zarathoustra. Le livre « fut terminé très précisément à l'heure sainte où Richard Wagner mourait à Venise » (Ecce Homo). En 1884 et 1885, Nietzsche publie les troisième et quatrième parties de Zarathoustra.

 
« Cette oeuvre forme un tout bien à part. Laissons de côté les poètes peut-être n'est-il rien qui soit né d'une telle surabondance de forces. Ma notion de "dionysien" s'est ici faite action, et action d'éclat - mesuré à elle, tout le faire de l'homme semble pauvre et limité... Immense est l'échelle que Zarathoustra gravit et descend tour à tour : il a vu plus loin, voulu davantage, pu mieux qu'aucun homme. A chaque mot, il contredit cet esprit qui, plus que tout autre, sait dire oui : en lui toutes les contradictions se fondent en une unité nouvelle. Les forces les plus hautes et les plus profondes de la nature humaine, ce qu'il y a à la fois de plus doux, de plus léger et de plus terrible, tout coule d'une même source, avec une immortelle assurance. » (Ecce Homo)

 

1886. Par-delà le bien et le mal. Prélude à une philosophie de l'avenir.

 
« Ce livre est, pour l'essentiel, une critique de la modernité - sans en exclure les sciences modernes, les arts modernes, ni même la politique moderne. Il contient aussi des indications sur un type opposé, qui est aussi peu moderne que possible, un type aristocratique, un type qui dit oui. » (Ecce Homo)

 

1887. La Généalogie de la morale, un écrit polémique.

« Trois importants travaux préparatoires d'un psychologue en vue d'une inversion de toutes les valeurs... La vérité de la première dissertation est la psychologie du christianisme - le christianisme né de l'esprit du ressentiment, et non, comme on le croit communément de l"esprit"... La deuxième dissertation donne la psychologie de la "conscience morale" celle-ci n'est pas comme on le croit communément, "la voix de Dieu en l'homme" - c'est l'instinct de cruauté qui se retourne sur lui-même... La cruauté est ici pour la première fois mise en lumière comme l'un des soubassements les plus anciens et les plus essentiels de la culture. La troisième dissertation répond à la question de savoir d'où provient la puissance immense de l'idéal ascétique, de l'idéal sacerdotal, bien qu'il soit sans doute l'idéal nuisible par excellence, un vouloir-mourir, un idéal de décadence. Réponse : non pas, comme on le croit communément, parce que derrière le prêtre Dieu s'active en personne mais, faute de mieux, parce que c'était le seul jusqu'à présent, parce qu'il n'avait pas de concurrent.. Ce livre contient la première psychologie du prêtre ». (Ecce Homo)

 

 

 

 

1888. Nietzsche publie quatre recueils d'aphorismes - Le Crépuscule des idoles. Comment philosopher à coups de marteau.

 
« Si l'on veut se faire rapidement une idée de la manière dont, avant moi, tout était "la tête en bas", il faut commencer par ces pages. Ce qui, sur la couverture, est appelé idoles, c'est tout simplement ce qu'on nommait auparavant vérité. » (Ecce Homo)


 

- Le Cas Wagner.

« Lorsque je souffle du destin de la musique, qu'est-ce donc qui me fait souffrir ? De voir que la musique a perdu le pouvoir de transfigurer le monde, de dire oui au monde, qu'elle est musique de décadence et non plus flûte de Dionysos... » (Ecce Homo)

 

- L'Antéchrist et Ecce Homo, sorte d'acquiescement de Nietzsche à lui-même, au jour anniversaire de sa quarante-quatrième année :

« En ce jour de perfection, où tout vient à maturité et où la grappe n'est pas seule à dorer, un rayon de soleil vient de tomber sur ma vie :j'ai regardé derrière moi, j'ai regardé loin devant moi : jamais je n'ai vu à la fois tant de choses et si bonnes... »

 

 

 

1889 début janvier, Nietzsche, qui réside alors à Turin, a une crise plus violente que les autres. Le « crucifié » embrasse un cheval dans la rue. C'est la crise de démence dont Nietzsche ne sortira plus. Son ami Overbeck vient le chercher pour le faire hospitaliser à Bâle, où sa mère viendra le chercher. Il est alors hospitalisé à Iéna, avec un diagnostic de paralysie générale (conséquence d'une éventuelle syphilis) puis vivra, reclus sans jamais reprendre conscience, chez sa mère jusqu'à la mort de celle-ci. Sa soeur Elisabeth le prendra en charge à Weimar, où il mourut en 1900.

1872 professeur a bale, 1882 Epoque du Gai Savoir et de la rencontre avec Lou et 1899 photographie de Hans Olde

1872 professeur a bale, 1882 Epoque du Gai Savoir et de la rencontre avec Lou et 1899 photographie de Hans Olde